Avant-propos : FA Europe est le réseau européen des groupes nationaux de soutien aux patients souffrant de la maladie de Fanconi. Ces groupes sont majoritairement des associations mais on compte aussi des fondations ou œuvres caritatives. L’AFMF en est membre depuis le début et participe activement au développement de ses activités.
Les rencontres de 2025 sont la deuxième édition de ces réunions scientifiques, la première s’étant tenue à Paris en mai 2024 et l’AFMF en ayant été l’organisateur local avec l’aide du Centre de référence des aplasies médullaires (Hôpital St Louis).
L’objectif des rencontres scientifiques de FA Europe est double :
– faire des bilans des pratiques médicales européennes pour le soin et le suivi des patients souffrant de la maladie de Fanconi (que l’on nomme « patients » en abrégé dans la suite) et des recherches européennes aussi bien cliniques que précliniques ou fondamentales pour une meilleure connaissance de la maladie et l’amélioration de la prise en charge des patients ;
– favoriser les interactions entre cliniciens et chercheurs des différents pays européens et, par une connaissance et expérience partagées, aider à la création de réseaux pour les meilleurs soins possibles dans tous les pays européens.
Les rencontres 2025 ont compris 27 présentations de 20mn et 2 sessions de présentations courtes. Les médecins et chercheurs français (Thierry Leblanc, Mony Fahd et Jean Soulier) ont assuré 4 des 27 présentations. Le nombre de participants a été légèrement supérieur à une centaine (92 à Paris l’an dernier).
Les thèmes abordés étaient :
- Expériences de vie de patients adultes
- Traitement des défaillances hématologiques par la greffe
- Autres traitements des défaillances hématologiques
- Transition vers l’âge adulte
- Rôle des registres
- Etudes biologiques pour approfondir la connaissance de la maladie
- Traitement des cancers solides.
Le thème n°1, dont Christophe Bichet de l’AFMF a assuré une partie de la présentation, visait à faire prendre conscience à l’auditoire, en particulier les praticiens, des contraintes liées à leur maladie que les patients doivent gérer pour avoir une vie familiale, développer une activité professionnelle et réaliser leurs ambitions.
Le thème n°2 a consisté à dresser un bilan des options à disposition d’un médecin greffeur devant prendre en charge un patient, avec des indications spécifiques pour les cas particuliers, par exemple pour les patients présentant une évolution clonale.
Dans le thème n°3, un bilan de soixante années d’usage des androgènes pour stabiliser une défaillance hématologique chez les patients a révélé que les meilleurs résultats (y compris en prenant en compte les effets secondaires négatifs) sont à l’actif du Danazol, le principal médicament prescrit en France depuis presque 10 ans, alors qu’il l’est moins dans les autres pays. Les questions de la durée maximum du traitement et des dosages ont été discutées. L’usage dans des expérimentations précliniques de Ataluren et Amlexanox (médicaments appelés « Translational Read-through-Inducing Drugs ») pour améliorer la stabilité des cellules FA (et donc prévenir aussi certains cancers) a fait l’objet d’une autre présentation. Il s’agit de médicaments créés dans le contexte d’une autre maladie rare mais dont les capacités pour soigner la maladie de Fanconi sont testées. Les résultats obtenus avec Ataluren sont très encourageants d’autant qu’il semble y avoir très peu d’effets secondaires. La troisième présentation a traité de thérapie génique afin d’éviter les aplasies médullaires et les greffes qui s’en suivent. Après un bilan de la pratique de la thérapie ex vivo (boost des cellules hématopoïétiques du patients par culture externe), la présentation s’est concentrée sur les avantages de la thérapie in vivo (applicable à des patients avec un « réservoir » pauvre de cellules hématopoïétiques, aucune toxicité induite par une manipulation externe des cellules et coût moins élevé) et ses perspectives.
A travers le thème n°4, l’auditoire a pu prendre connaissance des modèles de gestion de la transition dans 3 pays (France, Grande-Bretagne, Italie) et des contraintes à surmonter pour en généraliser la mise en œuvre. Dans les trois pays, c’est des départements de pédiatrie que sont parties les initiatives, avec dans le cas de la Grande Bretagne et l’Italie une coordination d’équipes pluridisciplinaires pour de meilleurs traitements des cancers. En Italie, où ces centres ne se limitent pas à la maladie de Fanconi, il est fait état d’un suivi de 950 patients, alors qu’en Grande-Bretagne l’expérience acquise par l’hôpital de l’Université de Manchester où 15 enfants et 23 adultes sont suivis a permis de dupliquer cette approche dans quelques hôpitaux. La plateforme AD’VENIR développée et maintenue par l’hôpital Debré a été un des éléments du modèle français exposé. Tous les intervenants ont insisté sur les difficultés organisationnelles et financières que rencontrent les jeunes patients. L’exposé sur la dimension psychologique a inclus un résumé des expériences et travaux de recherche menés en Allemagne, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, tous s’intéressant à l’énorme charge mentale qui pèse sur les patients. Il est relevé que depuis 2023 les aspects psychologiques de la maladie de Fanconi font l’objet de publications scientifiques plus approfondies et donnent lieu chez certains patients à l’administration de médications.
Des cinq registres décrits dans le thème n°5, britannique, hollandais, italien, français et espagnol, ce sont les deux derniers (base de données RIME pour la France) qui apparaissent les plus riches en informations collectées et nombres de patients recensés.
Le thème n°6, intitulé « la biologie derrière la maladie », a été abordé sous quatre angles :
- les évolutions de la moelle, avec le mosaïcisme, et le vieillissement des cellules, avec la mise en place de modèles pour comprendre le vieillissement accéléré des cellules Fanconi ;
- les modifications épigénétiques post greffe ;
- les bénéfices d’une (bonne) nutrition dans la réparation des désordres de l’ADN ;
- l’identification d’une nouvelle source d’instabilité chromosomique dans les cellules BRCA.
Dans le thème n°7 des cancers, les résultats attendus dans le traitement des cancers de la bouche par application de techniques d’intelligence artificielle, et l’étendue des travaux dans cette approche ont représenté l’aspect le plus novateur (mais est-ce le plus prometteur ?). Les modèles exposés sont fondés sur l’usage de l’IA par enregistrement d’un très grand nombre d’images cliniques, de prélèvements de salive, et de tissus biopsiés, avec, chaque fois, des diagnostics associés. Actuellement, les biomarqueurs pour les prélèvements de salive manquent pour disposer d’un modèle complet. Les résultats positifs, les limites et les améliorations recherchées de la proton thérapie, utilisée depuis quelques temps dans le traitement des cancers de patients, ont été discutés.
Un bilan a été présenté des quatre premières réunions du Virtual Advisory Tumor Board, mis en place par FA Europe et où sont discutés, en toute confidentialité, les traitements possibles de certains cancers de la bouche.
Quarante-et-une personnes de 10 pays européens différents, principalement des médecins, se sont inscrits pour participer aux réunions du VTAB. Une majorité correspond à des spécialistes stomatologues ou oncologues. Parmi ces spécialistes, quatre français apportent leurs compétences.
L’affirmation des intérêts croisés des cliniciens et chercheurs présents et leurs échanges scientifiques pendant ces journées laissent entendre que plusieurs coopérations intra-européennes pourraient voir le jour.